Les jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs, forme ludique de ce qu’il est convenu d’appeler des « univers virtuels », constituent un genre à part dans le domaine des jeux vidéo. Ceux-ci ont en effet la particularité d’inviter plusieurs milliers de joueurs à se connecter simultanément à Internet pour participer, de manière durable, à l’évolution d’un monde inspiré d’un imaginaire médiéval fantastique (World of Warcraft, Age of Conan, etc.), de la science-fiction (Eve Online, Star Wars Galaxies, etc.) ou encore de la « pop culture » (City of Heroes, etc.).
Cet ouvrage s’intéresse, plus spécifiquement, à la socialisation des joueurs dans ces espaces numériques. Il se propose, en l’occurrence, d’explorer les phénomènes de (dé)valorisation sociale à l’œuvre dans leurs relations sociales en ligne. À partir d’une enquête de terrain, sur un collectif en ligne de joueurs dans Warhammer Online, il développe une analyse critique des dimensions symboliques de leur socialisation, dans l’idée d’en révéler la richesse, la complexité, mais aussi les contradictions.
Comment les joueurs se témoignent-ils de la reconnaissance ? Comment se manifestent-ils, au contraire, leurs mépris ? Quelle place accordent les joueurs aux gratifications symboliques dans leur pratique ludique ? Qu’est-ce qui suscite l’admiration, la considération, le respect, ou l’estime dans les jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs ? Peut-on parler de relations de pouvoir en ligne et, le cas échéant, comment pèsent-elles sur la dispensation de la (dé)valorisation sociale entre les joueurs ? C’est en répondant, entre autres, à ces différentes questions que cet ouvrage souhaite rendre intelligible les enjeux et les ressorts de la socialisation des usagers des jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs.
Julien Rueff est professeur adjoint au département d’information et de communication à l’Université Laval (Québec). Ses intérêts de recherche concernent les dimensions sociales, culturelles et politiques des technologies de communication, les théories critiques et l’épistémologie des sciences sociales. Il a notamment codirigé Les transformations de l’action communautaire à l’ère du numérique (PUQ, 2008) et Web social : mutation de la communication ?