Les procès criminels en général et des « grands procès » en particulier illustrent un combat récurrent entre les contraintes juridiques de l’administration de la preuve et le principe de la liberté de celle-ci. La responsabilité pénale d’une personne ne peut être engagée ni retenue sans le respect de garanties procédurales, ce qui n’exclut cependant pas l’imagination des acteurs qui recherchent la preuve (notamment, en matière d’autopsie, d’écoutes téléphoniques, d’infiltration, de géolocalisation, etc.). Les pièces procédurales du dossier, autrement dit l’écrit, renferment alors les parcours complexes de celui qui poursuit et de celui qui nie ou conteste les faits. En 1947, Victor Kravchenko dénonce dans son livre J’ai choisi la liber té ! le régime stalinien, pourtant encensé par des intellectuels français. Il engage une procédure en diffamation à l’encontre des Lettres Françaises, qui l’attaquent violemment pour cette dénonciation. Le procès littéraire « Victor Kravchenko » est, à cet égard, éloquent de la façon dont les mots peuvent bousculer la réalité et plus simplement la notion de preuve.