L’étude d’un critère de distinction des nullités est-elle désuète ? Tant s’en faut. S’inscrivant dans le contentieux de la théorie des nullités, le critère de distinction actuel est couramment dénoncé. À ce jour, il est enseigné qu’une théorie « moderne » aurait renversé une théorie « classique » distinguant les nullités relatives et absolues selon la gravité du vice de l’acte. Aussi le critère actuel de « l’intérêt protégé » propose-t-il de scinder les nullités selon l’intérêt, particulier ou général, que la loi décide de préserver. Séduisant, ce critère n’en demeure pas pour autant convaincant. L’excès condamnable de rigidité du critère organique laisse place à un excès de souplesse du critère de l’intérêt protégé tout aussi blâmable. Insatisfaisant, ce dernier critère doit être réprouvé.
L’approche historique dévoile la chronologie erronée des théories esquissées. Mises sur un pied d’égalité, les nullités seraient distinctes en raison des vices qui les provoquent, pris dans leur nature, et non dans leur gravité. Fondé sur la nature du vice, personnelle – si le vice altère le consentement –, matérielle ou illicite – si le vice affecte le contrat –, ce nouveau critère de distinction des nullités autoriserait une classification ternaire, avec un régime spécifique à chaque vice. Il permettrait également la redécouverte d’une pluralité de natures des nullités, en tant que sanction ou remède. L’harmonie des catégories s’en trouverait ainsi instaurée, la bipolarité décriée abandonnée et la nature véritable des nullités restaurée.
Damien Sadi est Docteur en droit et Maître de conférences à l’Université Paris-Sud. Il est directeur des études de l’Institut d’études judiciaires.