Des premiers modèles anatomiques en cire de l’Italie du XVIIIe siècle jusqu’aux Vénus endormies des baraques foraines de la Belle Époque, s’égraine une histoire dédiée aux mystères du corps, entre Eros et Thanatos, fascination et répulsion, science et spectacle. Doués de la capacité fascinante et suspecte de reproduire le vivant, les modèles anatomiques, tantôt perçus comme œuvre d’art, tantôt voués à l’enseignement universitaire ou la prophylaxie sociale, ont nourri tous les fantasmes autant qu’ils ont attisé la curiosité d’artistes renommés, de Rops à Delvaux en passant par Flaubert ou Goethe. Pour autant, sait-on qu’au-delà du freak show, ces moulages de corps malades ont aussi servi, sur les champs de foire, de support à une prévention populaire unique contre les grandes pandémies du xixe siècle tels que l’alcoolisme, la tuberculose ou la syphilis ? Objets polymorphes, à la lisière entre les mondes des sciences et des arts, les cires anatomiques sont aujourd’hui un des maillons incontournables de l’histoire de la transparence du corps humain. Docteur en histoire de l’art de l’Université libre de Bruxelles, Chloé Pirson est actuellement Chargée de recherche au Fonds national de la Recherche scientifique et assure depuis deux ans la direction scientifique du Musée de la Médecine de Bruxelles.