La famille Bellangé occupe dans l’histoire des arts décoratifs du XIXe siècle une place particulière. Comprenant, sur deux générations, quatre importants ébénistes, elle fait figure de modèle pour une étude des différentes modes, des différents styles et des différentes conditions de production de meubles à Paris de la fin de l’Ancien régime au Second Empire.
L’ouvrage de Sylvain Cordier aborde la vie et les œuvres de cette famille, mais entend aussi et surtout replacer leurs travaux dans la diversité des contextes historiques favorisant ou dessinant les conditions de réalisation et de commerce des meubles parisiens tout au long de la première moitié du XIXe siècle. Le premier de ces contextes, qui concerne notamment la branche ainée de la famille, constitue l’ensemble des règlements ou usages définissant la production de meubles destinés au service de l’Etat et des princes, tout au long d’un siècle émaillé de révolutions et de changements de couronnes, mais où semble s’imposer d’un régime à l’autre le principe de continuité des protocoles et de persistances de l’essentiel des décors. Au service de Napoléon, Louis XVIII, Charles X puis Louis-Philippe, mais aussi sollicité, en 1817, pour meubler le grand salon de la Présidence des Etats-Unis dans la toute nouvelle Maison Blanche à Washington, les ateliers Bellangé offrent à de nombreuses reprises l’exemple de ce que sous-entend la livraison de mobilier pour l’Etat ou l’autorité princière.
La production de la famille se caractérise aussi dans le domaine de l’ébénisterie de curiosité précieuse en constante réminiscence des traditions de l’ébénisterie de luxe du XVIIIe siècle diffusée avant la révolution par les marchands-merciers, et qui n’avait pas survécu à la Révolution.
Pour l’histoire des arts décoratifs, mais également pour une histoire culturelle et sociologique des mentalités au XIXe siècle, la famille Bellangé constitue un important sujet. Par le biais de l’approche monographique, elle offre un prisme pour mettre en valeur et appréhender la place des artisans parisiens dans une histoire de l’expression du fait et du signe politiques par le décor, de l’Empire à la Monarchie de Juillet, mais également dans une histoire stylistique s’étalant sur deux générations, tout au long du premier XIXe siècle.
Docteur en histoire de l’art et historien, Sylvain Cordier est un spécialiste reconnu des arts décoratifs français sur lesquels il publie régulièrement en France et dans le monde anglo-saxon. Il a enseigné à l’Université Paris-Sorbonne et effectué des missions pour le Mobilier national et le château de Versailles. Il a par ailleurs été accueilli comme research fellow au Metropolitan Museum of Art à New York et au Getty Research Institute, à Los Angeles.